
« J’aide chacun, c’est un précepte d’évangile. Je n’aimerais pas que Dieu me dise un jour : qu’est-ce que tu as fait de ton frère ? [...] Dans un cas de détresse, je recommencerais. »
Le pasteur Norbert Valley avait été condamné en août 2018 pour avoir « facilité le séjour illégal » d’un ressortissant togolais qui demandait l’asile en Suisse, mais le verdict du tribunal régional des Montagnes et du Val-de-Ruz vient d’acquitter le pasteur.
Norbert Valley acquitté https://t.co/8MJFqjMK58
— Radio RTN (@radiortn) March 12, 2020
La question du « délit de solidarité » était au coeur du tribunal suisse ce jeudi. Mais, contrairement à la condamnation pénale prononcée par le Parquet Général du Canton en août 2018, le juge Alain Rufener a acquitté l’accusé au motif que l’aide, à savoir un hébergement occasionnel et un don de nourriture, avait été ponctuelle et discontinue.
Lors de l’audience, le pasteur a affirmé « j’aide chacun, c’est un précepte d’évangile, je n’aimerais pas que Dieu me dise un jour : qu’est-ce que tu as fait de ton frère ? », allant jusqu’à ajouter devant le juge « dans un cas de détresse, je recommencerais ».
Le pasteur Norbert Valley avait rencontré le demandeur d’asile togolais dans l’enceinte de l’église évangélique de la commune. Ils avaient noué une profonde amitié, le pasteur allant jusqu’à affirmer « il est devenu mon frère ».
« Mon ami n’a jamais dormi de manière continue dans ce logement, qui fonctionnait comme local du groupe des jeunes. Je lui avais juste dit qu’il pouvait y passer la nuit s’il n’avait aucun endroit où dormir, sachant qu’il ne fait pas toujours très chaud à 1000 mètres d’altitude... »
L’avocat Olivier Bigler avait plaidé la cause de Norbert Valley, rappelant qu’il était « un pasteur et non un passeur ».
« Quelle société nous voulons ? [...] Si nous condamnons Norbert Valley, nous allons vers une société d’apartheid. [...] La condamnation est illégale par rapport à un pasteur qui a agi par rapport à sa liberté de conscience. [...] Le sanctionner ne changera rien à la politique migratoire. Norbert Valley est un pasteur et non un passeur. »
Pierre Bühler est professeur de théologie à la retraite. Il a témoigné en faveur de l’accusé au cours de l’audience, rappelant l’importance de « sonder sa conscience » pour un chrétien.
« Le chrétien doit sonder sa conscience avant de respecter la loi. Il y a là un espace, une part de liberté pour s’engager en faveur d’une cause en lien avec une détresse. »
Le demandeur d’asile vit actuellement en Suisse, mais sa demande d’asile n’a toujours pas été acceptée. Il explique pourtant que sa famille et lui-même seraient en danger s’il retournait au Togo.
« Les autorités suisses ne m’ont pas accordé l’asile en faisant valoir le fait que le Togo n’est pas en guerre: c’est facile à dire quand on n’est pas sur place, ils ne connaissent pas la réalité. Si je n’avais pas fui, le parti au pouvoir m’aurait fait disparaître. J’avais été arrêté à la suite de manifestations révolutionnaires et incarcéré à titre d’exemple. Pour faire comprendre aux autres opposants de ne pas poursuivre la contestation. Dans le lieu où l’on m’a emprisonné, quelqu’un m’a proposé de me faire quitter le pays contre une somme d’argent. Mes proches ont accepté. Mais on m’a fait comprendre que, si je revenais sur le territoire, on allait s’occuper de moi ou de ma famille restée au pays, car ma liberté serait synonyme de travail mal fait... »
Le Ministère public a 30 jours pour faire appel de la décision.
M.C.